Mario Giacomelli
Mario Giacomelli
Né dans une modeste famille dans le petit village de Senigallia, Mario Giacomelli est resté attaché à sa terre. Imprimeur et poète, arrivé sur le tard à la photographie, en autodidacte mais aussi en artiste, il s'est laissé porter par une fascination pour l'humilité et l'abstraction des êtres, des choses, des paysages. De sa formation et de son expérience dans l'imprimerie, le photographe a toujours gardé le goût de contrastes typographiques. Ses paysages sont construits de lignes noires tracées comme des cicatrices, rehaussant une géométrie turbulente, ses portraits semblent coupés au scalpel. Il joue des ombres, des traits dessinés par la nature, des rayons d'un soleil, pique dans l'extravagance d'un visage. Son œuvre pourrait illustrer plus d'un film de Federico Fellini, notamment Amarcord, où les situations cocasses se mêlent aux trognes stupéfiantes des paysans, bourgeois, citadins, humbles ouvriers et artisans, ou encore Fellini Roma, illuminé par un pittoresque défilé ecclésiastique. Oui, terriblement italien et en même temps, voilà toute la force de Mario Giacomelli : donner l'impression de renfermer dans son objectif le monde entier.
Loreto 1959
Dans les années soixante il travaille au projet "il n'y a pas de mains qui me caressent le visage", connu sous le nom de la série "Pretini", un groupe d'images réalisées dans le séminaire de Senigallia,
1962-1964 Pretini
1962-1964 Pretini
1962-1964 Pretini
1962-1964 Pretini
1962-1964 Pretini
Paysage de la série Presa di coscienza sulla natura, Senigallia, 1977-1980.
Commentaire de cette photo par Giacomelli lui-même:
Sais-tu pourquoi je l'aime ? À première vue tu vois une vieille de l'hospice. Mais si ton regard se fixe un peu plus longtemps sur l'image, il ne reste plus ni vieille ni hospice, il n'y a qu'une mer blanche avec une barque qui flotte sur les vagues. Une telle image ne pourrait exister sans toutes les fois où j'ai pleuré en moi-même, face à d'autres images. Mais il ne faut pas en conclure que celle-ci est plus importante que les autres. Chaque image est un instant, chaque instant est comme une respiration, la respiration d'avant n'est pas plus importante que celle d'après, elles se suivent jusqu'au moment où tout s'arrêtera. Combien de fois avons-nous respiré ce soir ? Pouvons-nous dire qu'une respiration a été plus belle que l'autre? Mais l'ensemble de toutes fait la vie.
Presa di conscienza sulla natura
"Haus", Fotografie, 30 x 40 cm
Paysage, 1980
Venise
« La photographie, c'est pas compliqué. A condition d'avoir quelque chose à dire. »
« Le temps est sans cesse en mouvement, dans mon appareil, dans les champs, dans la rue ; le temps m'effraie, c'est le sujet de mes photos »
"Quand nous prenons une photographie, nous nous plaçons devant les objets et nous en tirons des images, c'est-à-dire des copies, ou des extraits, qui passent par un trou et se déposent au fond de l'appareil. Mes yeux sont comme ce mécanisme : un moyen pour attraper au vol et pour mettre en boîte certaines choses, que je pétris et je mélange en moi et que je remets ensuite en circulation - pour les yeux des autres."
"Je ne connais pas les appareils des autres. J'ai un appareil que j'ai fait bricoler, qui tient avec du scotch, qui perd des pièces. Je ne suis pas un passionné de mécanique, j'ai cet appareil, toujours le même, depuis que j'ai commencé à faire des photos. II a vécu avec moi, il a partagé de nombreux moments de mon existence, bons et mauvais. S'il venait à me manquer... enfin, la seule idée d'avoir à vivre sans lui me serre le cœur."
"Les vieux c'est un autre discours, je travaille à l'éclair. Exprès. Pour ajouter ma propre méchanceté à la méchanceté de celui qui a créé le monde et qui nous fait vieillir. Ce n'est pas tellement pour montrer la qualité de la peau, mais pour ajouter du contraste, pour obtenir un effet encore plus violent. L'éclair modifie la réalité, la rend plus mienne."
"Entre le temps et moi il y a une discussion toujours ouverte, une bataille perpétuelle, et l'hospice exprime l'une des dimensions de ce conflit. Avant de photographier je peignais, on pourrait imaginer que la peinture n'a rien à voir avec le temps, pourtant là aussi c'était contre le temps que je me battais. Je commençais un tableau le soir et je m'obligeais à le terminer dans le courant de la nuit, même si cela devait m'empêcher de dormir. Il fallait que je le termine avec la même qualité de tension avec laquelle je l'avais commencé. Le lendemain j'aurais été une autre personne, je n'aurais plus senti les choses de la même manière."
"j'ai découvert que la photographie me permettait de faire des choses plus fortes. Elle ne crée pas, bien sûr, et elle ne sait pas dire tout ce qu'on veut. Mais elle témoigne de notre passage sur cette terre, comme un carnet de notes. J'ai découvert aussi que cet instrument, que j'avais cru mécanique et froid, permet de saisir des vérités qui échappent à d'autres techniques."
"Être à l'hospice est comme se trouver devant un miroir, il y a des jours où on n'a pas le courage de se regarder, où on voudrait que le miroir n'ait jamais été inventé. Ce qu'on voit à l'hospice c'est nous, nos fils, nos mères, chacune de ces photographies est mon propre portrait."
"Le paysan y travaille, plante ses patates et ne sait pas que pour moi, qui le regarde d'en haut, son travail est un signe, qui me donne une autre qualité d'émotion. Les rides de la terre, comme les rides de la peau, m'apprennent des choses que je ne savais pas, que le paysan ne peut savoir, que le pilote de l'avion ne peut savoir. Comme si on éclairait les choses par magie. Les noirs cachent, les blancs manifestent des formes, le monde sur la pellicule est un autre monde, où le paysage devient broderie."
"Une photographie n'est pas faite seulement de ce que tu vois, mais aussi de ce que ton imagination y ajoute. Un autre y verra peut-être autre chose. Mais est-ce important qu'on y voie une chose plutôt qu'une autre ? Ce qui compte est le contact entre les hommes, le fait que nous parlions des feuilles qui tombent, des objets qu'on piétine sans s'en apercevoir, de cette maison qui meurt, tout doucement, abandonnée par son propriétaire."
Interview de Mario Giacomelli par Franck Horvat
Biographie
Né dans une modeste famille dans le petit village de Senigallia, Mario Giacomelli est resté attaché à sa terre. Imprimeur et poète, arrivé sur le tard à la photographie, en autodidacte mais aussi en artiste, il s'est laissé porter par une fascination pour l'humilité et l'abstraction des êtres, des choses, des paysages. De sa formation et de son expérience dans l'imprimerie, le photographe a toujours gardé le goût de contrastes typographiques. Ses paysages sont construits de lignes noires tracées comme des cicatrices, rehaussant une géométrie turbulente, ses portraits semblent coupés au scalpel. Il joue des ombres, des traits dessinés par la nature, des rayons d'un soleil, pique dans l'extravagance d'un visage. Son œuvre pourrait illustrer plus d'un film de Federico Fellini, notamment Amarcord, où les situations cocasses se mêlent aux trognes stupéfiantes des paysans, bourgeois, citadins, humbles ouvriers et artisans, ou encore Fellini Roma, illuminé par un pittoresque défilé ecclésiastique. Oui, terriblement italien et en même temps, voilà toute la force de Mario Giacomelli : donner l'impression de renfermer dans son objectif le monde entier.
Ses photos
Loreto 1959
Dans les années soixante il travaille au projet "il n'y a pas de mains qui me caressent le visage", connu sous le nom de la série "Pretini", un groupe d'images réalisées dans le séminaire de Senigallia,
1962-1964 Pretini
1962-1964 Pretini
1962-1964 Pretini
1962-1964 Pretini
1962-1964 Pretini
Paysage de la série Presa di coscienza sulla natura, Senigallia, 1977-1980.
Commentaire de cette photo par Giacomelli lui-même:
Sais-tu pourquoi je l'aime ? À première vue tu vois une vieille de l'hospice. Mais si ton regard se fixe un peu plus longtemps sur l'image, il ne reste plus ni vieille ni hospice, il n'y a qu'une mer blanche avec une barque qui flotte sur les vagues. Une telle image ne pourrait exister sans toutes les fois où j'ai pleuré en moi-même, face à d'autres images. Mais il ne faut pas en conclure que celle-ci est plus importante que les autres. Chaque image est un instant, chaque instant est comme une respiration, la respiration d'avant n'est pas plus importante que celle d'après, elles se suivent jusqu'au moment où tout s'arrêtera. Combien de fois avons-nous respiré ce soir ? Pouvons-nous dire qu'une respiration a été plus belle que l'autre? Mais l'ensemble de toutes fait la vie.
Presa di conscienza sulla natura
"Haus", Fotografie, 30 x 40 cm
Paysage, 1980
Venise
Citations
« La photographie, c'est pas compliqué. A condition d'avoir quelque chose à dire. »
« Le temps est sans cesse en mouvement, dans mon appareil, dans les champs, dans la rue ; le temps m'effraie, c'est le sujet de mes photos »
"Quand nous prenons une photographie, nous nous plaçons devant les objets et nous en tirons des images, c'est-à-dire des copies, ou des extraits, qui passent par un trou et se déposent au fond de l'appareil. Mes yeux sont comme ce mécanisme : un moyen pour attraper au vol et pour mettre en boîte certaines choses, que je pétris et je mélange en moi et que je remets ensuite en circulation - pour les yeux des autres."
"Je ne connais pas les appareils des autres. J'ai un appareil que j'ai fait bricoler, qui tient avec du scotch, qui perd des pièces. Je ne suis pas un passionné de mécanique, j'ai cet appareil, toujours le même, depuis que j'ai commencé à faire des photos. II a vécu avec moi, il a partagé de nombreux moments de mon existence, bons et mauvais. S'il venait à me manquer... enfin, la seule idée d'avoir à vivre sans lui me serre le cœur."
"Les vieux c'est un autre discours, je travaille à l'éclair. Exprès. Pour ajouter ma propre méchanceté à la méchanceté de celui qui a créé le monde et qui nous fait vieillir. Ce n'est pas tellement pour montrer la qualité de la peau, mais pour ajouter du contraste, pour obtenir un effet encore plus violent. L'éclair modifie la réalité, la rend plus mienne."
"Entre le temps et moi il y a une discussion toujours ouverte, une bataille perpétuelle, et l'hospice exprime l'une des dimensions de ce conflit. Avant de photographier je peignais, on pourrait imaginer que la peinture n'a rien à voir avec le temps, pourtant là aussi c'était contre le temps que je me battais. Je commençais un tableau le soir et je m'obligeais à le terminer dans le courant de la nuit, même si cela devait m'empêcher de dormir. Il fallait que je le termine avec la même qualité de tension avec laquelle je l'avais commencé. Le lendemain j'aurais été une autre personne, je n'aurais plus senti les choses de la même manière."
"j'ai découvert que la photographie me permettait de faire des choses plus fortes. Elle ne crée pas, bien sûr, et elle ne sait pas dire tout ce qu'on veut. Mais elle témoigne de notre passage sur cette terre, comme un carnet de notes. J'ai découvert aussi que cet instrument, que j'avais cru mécanique et froid, permet de saisir des vérités qui échappent à d'autres techniques."
"Être à l'hospice est comme se trouver devant un miroir, il y a des jours où on n'a pas le courage de se regarder, où on voudrait que le miroir n'ait jamais été inventé. Ce qu'on voit à l'hospice c'est nous, nos fils, nos mères, chacune de ces photographies est mon propre portrait."
"Le paysan y travaille, plante ses patates et ne sait pas que pour moi, qui le regarde d'en haut, son travail est un signe, qui me donne une autre qualité d'émotion. Les rides de la terre, comme les rides de la peau, m'apprennent des choses que je ne savais pas, que le paysan ne peut savoir, que le pilote de l'avion ne peut savoir. Comme si on éclairait les choses par magie. Les noirs cachent, les blancs manifestent des formes, le monde sur la pellicule est un autre monde, où le paysage devient broderie."
"Une photographie n'est pas faite seulement de ce que tu vois, mais aussi de ce que ton imagination y ajoute. Un autre y verra peut-être autre chose. Mais est-ce important qu'on y voie une chose plutôt qu'une autre ? Ce qui compte est le contact entre les hommes, le fait que nous parlions des feuilles qui tombent, des objets qu'on piétine sans s'en apercevoir, de cette maison qui meurt, tout doucement, abandonnée par son propriétaire."
Bibliographie
Lien
Interview de Mario Giacomelli par Franck Horvat
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